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J’écris ces lignes alors que Rich vient juste de contourner la pointe sud de l’Afrique, à 40 degrés et 27 minutes Sud et d’avoir un premier aperçu des conditions de navigation les plus difficiles, des vents les plus forts et des vagues les plus hautes qu’il prévoit de rencontrer. Il est entré dans le courant circumpolaire antarctique, qui s’écoule autour de l’Antarctique et traverse essentiellement tous les grands océans. Pour les skippers de haute compétition comme Rich, le fait de naviguer dans les courants les plus forts du monde a des avantages évidents, car ils les portent très rapidement. Durant des siècles cependant, ce courant, avec ses conditions extrêmes, s’est avéré un redoutable obstacle pour les voiliers naviguant dans les mers du Sud.

Au cours des 16e, 17e et 18e siècles – l’époque des grands voyages d’exploration – des théories évoquaient l’existence d’un grand continent austral en se fondant sur des notions selon lesquelles la masse totale de terre à la surface de la planète devait être équilibrée d’une manière ou d’une autre. Par conséquent, il devait y avoir une quantité de terre dans l’hémisphère sud équivalente à celle de l’hémisphère nord. Les contours de ce continent imaginaire apparaissent même sur des cartes et mappemondes, le désignant sous le nom de Terra Australis Nondum Cognita, latin pour Terre australe inconnue. Personne ne l’avait jamais vu, mais l’on croyait fermement qu’il devait exister.

Bien que ces théories soient fausses, il existe réellement un continent « en bas » de la planète. Le capitaine James Cook a rencontré un vaste champ d’icebergs au cours de son second voyage dans les années 1770 et le peintre officiel du bord en a fait des croquis et finalement une gravure pour illustrer le compte rendu du voyage. Aux alentours de 1840, plusieurs expéditions ont prétendu avoir vu le continent Antarctique. Une estampe fabuleuse de l’artiste expéditionnaire français Louis Le Breton montre des hommes en proie à une grande excitation qui escaladent des rochers depuis de petites embarcations, observés par des manchots perchés plus haut, la scène étant environnée de hauts icebergs. Ces dangereux blocs de glace dérivant autour de l’Antarctique ont inspirés les artistes des expéditions pendant de nombreuses années après, sans doute aussi parce que leurs dimensions évoquaient la puissance prodigieuse de la nature et ses périls, et qu’ils constituaient un sujet nettement plus spectaculaire que les champs de neige déserts s’étalant à perte de vue sur le continent. L’Antarctique fascine les artistes jusqu’à notre époque, nombre d’entre eux aimant s’inscrire en faux contre nos idées préconçues d’un environnement monotone et sans couleur. Depuis les années 1950, le programme d’aide aux artistes et écrivains de l’agence américaine National Science Foundation (Antarctic Artists & Writers Program) a sponsorisé les œuvres de plus de 100 artistes souhaitant visiter l’Antarctique dans le cadre de leur travail.