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L’océan et l’être humain.

Il y a des millénaires, le premier navigateur qui a vu disparaître la terre a dû être saisit par le sentiment d’une grande solitude et d’une profonde angoisse. La terre est le lieu naturel de vie de l’être humain, l’endroit où il naît et se développe, l’endroit où il peut vivre dans un certain confort et une certaine sécurité.

La mer est le lieu de vie des poissons, des baleines, des requins, des homards… L’être humain est un intrus sur l’Océan.

La mer est un lieu inhospitalier pour l’homme car il ne peut y survivre que quelques heures sans un bon abri flottant, sans eau douce et sans nourriture. C’est aussi un milieu potentiellement dangereux où les forces de la nature peuvent s’exprimer avec une grande violence.

Le navigateur qui entre dans cet univers est confronté à l’inconnu et au danger ; il devient vulnérable et fragile, à la merci des éléments.

Et pourtant notre planète que nous nommons « Terre » (car nous y naissons), est recouverte à 70% d’eau ; c’est plutôt le « Waterworld »…

Premières impressions sur mer.

La première fois que je suis parti sur la mer avec un bateau (j’avais 5 ans), j’ai ressenti plusieurs sensations très fortes : l’entrée dans un autre monde avec des couleurs différentes, une odeur différente, et des sensations différentes ; l’impression de me déplacer sur un être vivant, mouvant et sentant fortement l’iode. J’ai aussi ressenti une certaine humilité, l’impression d’une grande vulnérabilité mais aussi le fort désir de découvrir, de connaître et d’apprivoiser ce monde plein de mystères.

La première fois que j’ai traversé l’Océan Atlantique, j’ai découvert l’immensité de ce désert liquide et j’ai réalisé que notre planète était vraiment très grande. Nous faisions route vers l’ouest, vers l’Amérique et les jours puis les semaines passaient et l’on ne voyait toujours pas de terre devant nous. La vie semblait absente : pas d’oiseaux au grand large, ni de poissons et peu de baleines. Un monde solitaire et sauvage, sans autre repère que les astres et si loin des hommes et de la civilisation.

Lieux invisibles.

En mer l’on se déplace au milieu d’un grand cercle d’environ 12 milles nautiques (20 km), c’est la limite de notre visibilité ; ce cercle avance avec nous et à notre vitesse qui est celle d’un vélo roulant paisiblement (10 milles par heure).

En mer l’on évolue dans un autre espace/temps où les distances se comptent en jours ou en semaines, où la course du soleil dans le ciel détermine notre midi et définit notre heure…

En mer, nous sommes au milieu de nulle part à un endroit que rien ne permet d’identifier, un lieu précaire et furtif. Aucune trace de notre passage sur cette surface en perpétuel mouvement.

Sans repères, comment se diriger ? Sur terre l’on peut s’orienter par rapport à une colline, une rivière, un talus, une maison, une vallée, un arbre…En mer rien. Alors comment faire ?

Près de la terre, l’on va chercher des points remarquables sur la côte que l’on observe attentivement : la pointe rocheuse, une petite plage, une maison ou un phare bien sûr !

En haute mer l’on va chercher ses repères très loin : dans le ciel, dans l’espace infini ; nos points remarquables se situent pour certains à des centaines d’années-lumière ! Mais ils sont là depuis des millions d’années et leur position est bien connue ! Ils vont donc nous permettre de nous positionner sur notre planète, comme les points remarquables que l’on aperçoit sur la côte.

Ainsi, le voyage sur l’Océan s’apparente à une odyssée dans l’espace où les distances immenses ne permettent pas d’apercevoir les détails, nous sommes dans un autre monde, liquide et mouvant. La nuit l’on avance sans voir le paysage défiler, la voute céleste est notre seule vision et l’on se sent seul dans l’univers.

Le jour, la mer est là avec les vagues, les nuages, le soleil et parfois un animal marin ou un oiseau de passage ; l’on peut passer près d’une terre sans la voir et cela est très frustrant. Je me souviens d’être passé à proximité de l’île de Madagascar en Océan Indien ; la terre était à environ une vingtaine de miles et l’on pouvait sentir l’odeur un peu épicée de sa végétation, voir les nuages côtiers et ressentir tout simplement la présence de cette très grande île, mais rien à l’horizon, la Terre était comme irréelle.

Les concurrents du Vendée Globe Challenge vont parcourir plus de 24.000 milles, soit le tour entier de notre planète sans ne jamais apercevoir la terre si ce n’est quelques sommets lointains de quelque île isolée…Pendant trois mois ils ne vont voir que les millions de mètres cubes d’eau salée qui constituent la mer, les océans. Dans ces grandes solitudes désertes qu’ils vont parcourir, la civilisation leur semblera bien loin et tous, à un moment donné vont se demander si l’humanité existe toujours, est-elle réelle ? C’est dans ces grands déserts liquides que l’homme se sent insignifiant et vulnérable, et c’est là plus que nulle part ailleurs qu’il doit avoir conscience de préserver et de protéger cette sphère de vie finalement fragile…