Je suis monté sur le pont, hier soir, pour admirer le soleil et Vénus. Le ciel était d’un bleu limpide, et Vénus était incroyablement nette et lumineuse. J’avais eu une discussion avec l’Expert Murray Lister, la semaine dernière, qui m’avait raconté qu’il se faisait un point d’honneur, bord du New Zealand Pacific, pendant la traversée de l’océan Austral en direction de l’Est, s’il était de grade le matin, à assister au lever de Vénus. Elle était si nette, parfois, m’a-t-il dit, qu’elle en craquelait presque d’intensité, comme si des étincelles jaillissaient d’elle. C’est l’aspect qu’elle avait hier soir. C’était magnifique.
Le vent, dans la nuit, est complètement tombé, au point que la vitesse du bateau a diminué à moins de la limite de gouverne du pilote. J’ai dû rouler le génois, qui battait au vent, éteindre le pilote, et laisser le bateau dériver en cercles. L’intensité des étoiles a constitué une petite consolation. Je suis allé chercher le livre des étoiles, afin de repérer la Croix du Sud, ainsi qu’Alpha et Beta Centauri, de la constellation du Centaur. C’était la deuxième fois de la course, seulement, que je sortais le livre, ce qui montre à quel point le ciel était gris était couvert dans l’océan Austral, pendant toute la traversée.
Nous étions dans un épais brouillard, ce matin, et la direction du vent était totalement décalée par rapport à celle annoncée par les fichiers météo. Nous avons essentiellement suivi un cap plein Est. Le cap que nous visions étant de Nord-Est, la différence n’était que de 45 degrés et si nous avions viré de bord, nous nous serions retrouvés avec un décalage d’au moins 45 degrés de l’autre bord. Mais au bout de quelques heures, je n’en pouvais plus. Je voulais le Nord, le sens de la progression, et de la chaleur, et même si, au final, c’était moins efficace, j’avais besoin de prendre cette direction.
Nous avons donc laborieusement viré de bord, dans le brouillard. Nous avons roulé le génois, virés de bord avec la grand-voile, et déroulé le génois. Environ 200 mètres plus loin, nous sommes sortis du brouillard, et nous nous sommes retrouvés dans un soleil radieux. Je crois que le brouillard nous était tout particulièrement destiné. Et le vent a tourné pour nous offrir un angle raisonnable vers le Nord-Nord-Ouest. J’ai étudié une option de route vers l’Ouest, mais j’ai finalement décidé de virer de bord de nouveau, afin d’établir si nous avions quoi que ce soit de plus proche de ce qui avait été prévu. Nous avons commencé notre route en direction de l’objectif que nous nous étions fixé au large du Brésil.
Les calculs d’itinéraire consistent dans un certain nombre de simulations dont un résultat optimum est fourni. Il s’agit bien entendu de calculs théoriques effectués sur la base d’un ensemble de données parfaites. Nous savons cependant que les fichiers GRIB sont constitués de données largement imparfaites (les prévisions sont incroyablement difficiles à établir), par conséquent chacun des itinéraires optimums repose sur des données incorrectes. Quel crédit peut-on par conséquent leur accorder ? Je ne crois pas que les itinéraires qu’ils permettent de calculer doivent être suivis à la lettre.
Nous voilà donc de retour dans le brouillard, après un après-midi de soleil, alors que nous faisons route vers le Nord-Est.