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On parle souvent de « tracer une ligne dans le sable », autrement dit une frontière impossible à franchir sans de graves conséquences. Le skipper Rich Wilson, la semaine prochaine, franchira une ligne dans l’eau. Bien que personne ne puisse voir cette ligne entre les vagues de l’océan, l’Équateur constitue une véritable frontière entre les hémisphères sud et nord. Le soleil et les planètes, au niveau de l’Équateur, passent plus près au-dessus de nos têtes, les températures en mer fluctuent peu d’une saison à l’autre, et la circonférence de la Terre y est plus grande. Et, plus important peut-être pour qui navigue du nord au sud, l’Équateur marque le passage du navire dans l’univers mythique du roi Neptune.

Dans la zone de vents faibles – voire d’absence de vent – de la région dite « du Pot-au-noir », à proximité de l’Équateur, les navigateurs européens, au cours des siècles, avaient tout le temps pour se livrer à leurs méfaits. Les plus expérimentés soumettaient les nouvelles recrues à un rite de passage qui pouvait notamment consister à asperger leur visage des eaux croupies du bateau, à raser leur barbe avec de grossiers morceaux de fer qui leur déchiraient la peau, à les faire ingurgiter de l’eau salée, à les fouetter, et à les contraindre de se baigner, les yeux bandés, dans des piscines de fortune (des voiles remplies d’eau de mer). Un des aînés des navigateurs se déguisait en roi Neptune et présidait à ces agissements. Une fois le rite d’initiation terminé, l’équipage reprenait sa route vers les mers du Sud, sans savoir quels dangers les y attendaient.

Sur les navires où de telles cérémonies de franchissement de la Ligne étaient organisées, aucun des navigateurs qui l’effectuaient pour la première fois ne pouvait prétendre en être dispensé. Charles Darwin a vécu cette expérience peu gratifiante, en 1832, à bord du HMS Beagle, qui l’a amené à la découverte de la faune fascinante des îles Galapagos.

Rich a effectué le grand saut vers le Sud, au-delà de la Ligne, à plusieurs reprises. Même si c’était sa première traversée, il n’y aurait personne à bord de Great American IV pour l’initier – excepté, peut-être, le roi Neptune lui-même.