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Quelle journée ! De même que nous avions franchi le fameux méridien de Greenwich en entrant dans l’hémisphère Sud il y a quelques jours, nous avons franchi aujourd’hui le 20e méridien Est qui passe par le cap des Aiguilles, le point le plus au sud de l’Afrique du Sud, et marque pour les marins l’entrée dans l’océan Indien.

Comme une dépression descendant vers le Sud passait à l’Est de notre position, nous allions recevoir les vents du nord, plus forts et changeant fréquemment de direction. Le matin, en bon marin, j’ai commencé par affaler le gennaker fractionné qui était établi. Il aurait probablement bien porté dans les vents plus forts, mais pourquoi prendre des risques ?

La descente s’est déroulée en douceur, et j’ai remarqué que la voile s’était enroulée plus bas sur l’étai. J’ai donc pu bien la sécuriser et la voile sera mieux préparée la prochaine fois que je l’établirai. J’ai réussi à gagner ainsi presque 4 cm.

Il y a eu encore une coupure dans la connexion pour le Vendée Live, probablement une zone sans signal.

De retour sur le pont, la situation semblait idéale pour envoyer à nouveau le gennaker fractionné, ce que j’ai fait. C’est très facile à dire, mais en réalité cela demande une demi-heure d’efforts physiques intenses. Enfin, au prix de beaucoup d’huile de coude, nous naviguions sous gennaker. Ciel bleu magnifique, un moment idéal pour casser la croûte dans la cabine, et à mon retour sur le pont, une ligne de nuages gris approchait à l’horizon. Cela n’avait pas l’air trop méchant, ils étaient détachés les uns des autres et ne formaient pas un front nuageux massif. Je me trompais.

Soudain, la brise s’est mise à forcir, et la mer a commencé à clapoter alors que nous étions sous gennaker fractionné et 2 ris dans la grand-voile, avançant à une vitesse oscillant autour de 20 nœuds. Puis – oh non ! – je vois se rapprocher une ligne blanche d’écume poussée par le vent au sommet des vagues, dans une mer bouillonnante, et elle nous frappe de plein fouet. Bam ! Le bateau gîte et décolle, comme s’il labourait la mer à grande vitesse, l’eau déferlant partout, sur les deux ponts, dans les passages des cordages, par-dessus le toit de la cabine des deux côtés. Je n’ai jamais vu autant d’eau embarquer ainsi, ni sur ce bateau ni sur un autre, en personne ou dans une vidéo.

Le vent mugissait. Je largue la drisse de grand-voile pour décharger… pratiquement aucun effet. Bon, au tour du gennaker. Vais-je arriver à l’enrouler ? Il suffit de mouliner le winch, mais est-ce que j’en serai capable ? Je commence à affaler la toile qui se met à battre violemment contre le nez du bateau. Nous continuons notre course folle dans l’océan. À un angle de 45 degrés, je commence à mouliner pour sauver le gennaker et, qui sait, peut-être ma propre vie si le mât venait à tomber. Dans ces situations, on réalise en une fraction de seconde qu’on est tout seul et que personne ne va venir tout arranger d’un coup de baguette magique. Il faut donc s’y attaquer à bras-le-corps. Je mouline sur la colonne centrale, encore, encore et encore. Est-ce que la voile s’enroule ? Un coup d’œil, oui, ça marche, juste un peu, j’en remets un coup. Je mouline sans interruption pendant peut-être 20 minutes, les bourrasques qui font gîter le bateau commencent à faiblir, je continue sur la colonne. Enfin ça s’arrête, la tempête est passée, les voiles sont ferlées.

J’ai regardé après coup : nous avons eu 48 nœuds de vent au pire moment, et le bateau a fait une pointe à 30,9 nœuds. J’ai toujours estimé qu’à moins d’être soutenues et maîtrisées, les grandes vitesses entraînent seulement une grande prise de risques. Si elles ne sont pas soutenues, elles ne vous feront pas faire le tour du monde plus rapidement, elles risquent juste de mettre fin à votre aventure de manière catastrophique. Nous l’avons donc échappé belle aujourd’hui. Great American IV a survécu. Je pense que le gennaker fractionné a survécu lui aussi. Si la toile avait été endommagée, il ne formerait probablement pas un rouleau si uniforme.

Nous avons eu beaucoup de chance. En avant ! Mais en prenant encore moins de risques.

Position
40° 15′ S x 22° 11′ E
Cap
091° Vrai
Vitesse
13,3 nœuds
Vitesse du vent réel
25,0 nœuds
Direction du vent réel
232°
Voilure
Grand-voile (à 2 ris) plus Trinquette
Température de l’air
63° F / 17,2° C
Température de la mer
65° F / 18,3° C

Tours de manivelle sur colonne de winch (par jour) Ampère-heure : Alternateur (total) Ampère-heure : Solaire (total) Ampère-heure : Hydro (total) Ampère-heure : Éolienne (total)
2 158 1 676 472 7 759 1196