Les pirates ne sont généralement pas un danger pour les skippers du Vendée Globe qui avancent à une vitesse de plus de 20 nœuds, à des centaines voire des milliers de milles des côtes. Mais lundi, en contournant la zone d’exclusion mauritanienne à l’est, il s’est produit un événement curieux.
J’ai consulté le logiciel de navigation pour savoir s’il y avait des cibles AIS (Automatic Identification System) – personne. Puis j’ai regardé sur le radar, comme je le fais de temps en temps et, tiens tiens, je vois une cible à quatre milles à bâbord. Mais de nouveau sur l’AIS : rien. J’ai éteint le radar et ai allumé le détecteur radar, et toujours rien. Le bateau n’avait aucun radar allumé. J’ai regardé avec mes jumelles et ce que j’ai vu ressemblais à un vieux bateau-phare : rouge, bizarre.
Je me suis alors souvenu d’une rencontre bizarre que j’avais faite lors du Vendée Globe 2008 en venant du nord. J’avais appelé un bateau dont je pouvais voir les lumières sur la VHF, je n’ai reçu aucune réponse, puis les lumières se sont éteintes et donc j’ai allumé les miennes. Je n’ai jamais eu d’explication.
À plus de 400 milles des côtes, nous ne sommes pas des cibles pour les pirates, mais ceux qui s’approchent davantage le deviennent malheureusement. Cette année, sur recommandation du gouvernement français, les organisateurs du Vendée Globe ont créé la zone d’exclusion mauritanienne, interdisant aux skippers d’approcher à moins de 100 kilomètres de la côté, par peur des pirates. Par ailleurs, il y a quelques jours, le Centre d’information sur la piraterie du Bureau maritime international nous a envoyé un avertissement concernant une hausse soudaine des attaques et kidnappings par des pirates le long de la côte ouest de l’Afrique. Selon ce message, les bateaux attaqués étaient à quai, à l’ancre, à la dérive ou en route à des distances allant jusqu’à 170 milles nautiques de la terre. Le message signalait que les pirates sont armés et ont tendance à être violents, en précisant que les bateaux devaient être extrêmement prudents et éviter de flâner le long des côtes.
Nous ne flânons pas.
L’un de nos experts maritimes, Rich du Moulin, a dit que si vous pensiez que la piraterie avait disparu quand Barbe-Noire le pirate a été tué par la British Navy, vous vous trompez lourdement. Ces dernières années, les pirates ont commencé à attaquer des marins marchands, des pêcheurs et des yachtsmen dans les eaux indonésiennes et dans les détroits de Malacca, dans l’Océan Indien, au large de la Somalie, et plus récemment au large des côtes ouest de l’Afrique, à proximité du Nigeria et des pays voisins.
Les pirates des temps modernes viennent généralement de pays pauvres. Jusqu’aux attaques largement relayées dans les médias (comme celle romancée par le film de Tom Hanks, Capitaine Phillips), l’objectif des assaillants se limitait à voler de l’argent liquide et des objets de valeur – comme lors d’un cambriolage. Au large de la Somalie cependant, la donne a changé et les pirates capturent désormais les bateaux et leurs équipages, et les retiennent parfois pendant des années jusqu’à ce que la rançon soit payée. Les nations maritimes ont collaboré avec les Nations unies pour créer une patrouille navale, qui est parvenue à mettre un terme à la piraterie en Somalie. Mais l’Afrique de l’Ouest est devenu le dernier bastion de la piraterie, avec parfois encore plus de violence qu’auparavant.
Murray Lister, le capitaine de navire néo-zélandais qui a contribué à nous sauver en 1990 au large du Cap Horn a été abordé trois fois par des pirates au cours de sa carrière. Chaque année, dit-il, de nombreux marins sont tués, capturés, attaqués et emprisonnés par ce qu’il appelle « des voyous féroces qui ne font preuve d’aucune compassion. » Ces pirates n’ont rien à voir avec la version romancée dans les films. Pour préserver le commerce international, les marins marchands vont devoir continuer à naviguer dans des navires vulnérables risquant la mort, le kidnapping et le stress évident qui en découle.
Tandis que je navigue dans le Pot au Noir, je pense à ces marins marchands. Comme le dit Murray, il est important que nous reconnaissions la dette que nous avons envers eux, mais nous devons également prendre les mesures nécessaires pour leur assurer une navigation sûre – dans tous les océans du monde.
Avec la contribution de Louise Bullis Yarmoff