Je reçois un nouveau fichier météo (ou GRIB) toutes les six heures. Ils sont à chaque fois les mêmes, pour l’essentiel, or les vents, dans la région du cap Horn, se renforcent. J’imagine divers scénarios, j’essaie de continuer d’avancer, mais dans l’idée de me maintenir à proximité du nord de la dépression, de manière à naviguer avec des vents plus légers que dans une zone plus périphérique, où ils soufflent actuellement à 30-35 nœuds.
Nous avons viré de bord et empanné à plusieurs reprises au cours des 24 dernière heures. Nous avons également effectué une manœuvre, la nuit dernière, afin d’éviter la position de dérive estimée des icebergs détectés le 21 décembre par satellite. Aucun iceberg n’apparaît sur la photo satellite de la zone de la position de dérive des trois icebergs supposés prise le 11 janvier. Le satellite, néanmoins, ne peut pas tout détecter, et nous ferons donc en sorte, en partant du principe qu’il convient, selon moi, d’écouter les experts et de se fier aux données, mais aussi qu’il s’agit de leur meilleur calcul de la position de ces « possibles » icebergs détectés le 26 décembre, de l’éviter.
Nous avons fusé, toute la nuit, ce qui n’est pas du tout mon style. Il semblerait pourtant que nous puissions trouver une ouverture vers le cap Horn si nous allons très vite, et le vent nous a offert cette opportunité que nous avons décidé d’exploiter. C’était éprouvant, bruyant, turbulent, dans une grosse mer, le bateau ricochait, et nous allions si vite. Pourtant la petite icone de notre bateau, au final, affichait 14,9 nœuds. Donc pour les leaders de cette course, dont les icones afficheraient, de manière routinière, 19 ou 21 nœuds, qu’est-ce que cela doit être, si ce n’est pétrifiant ? C’est l’un des aspects de cette course que je ne comprends pas : comment ces navigateurs peuvent-ils tolérer tout ce stress ?
Nous commençons, lorsque nous virons de bord, par rouler le gennaker fractionné. Cela requiert un long et difficile maniement du winch, à toute vitesse, aussi vite que vous en êtes capable en tous cas. En ce qui me concerne, l’asthme devient alors problématique. Cela ne me déclenche pas de crise ou de réaction anaphylactique, mais je ressens la fatigue de ne respirer qu’à 70-80 % de mes capacités quand, de toute évidence, j’aurais besoin de 100 % de celles-ci. Ces bateaux sont des monstres dont le pilotage en solitaire est particulièrement éprouvant.
Ce sera peut-être moins difficile si la tempête est un peu retardée. Mais l’espoir est un assez vain mot en mer. Nous attendrons le prochain bulletin météo et continuerons d’échafauder nos plans.